Malgré les discussions de plus en plus nombreuses sur des sujets tels que les recherches sans clic et la prolifération des fonctionnalités SERP, les résultats de Google reposent encore fondamentalement sur les liens bleus. Les 10 liens bleus (en fait, on est plus proche de 9 liens bleus sur ordinateur, tandis que sur mobile, on peut faire défiler les résultats autant qu'on veut) constituent la base de la SERP dans la grande majorité des cas, même lorsque les fonctionnalités SERP semblent dominer. Cette liste de résultats organiques placés les uns à la suite des autres est l'essence même des SERP, et ces résultats vont très probablement finir par disparaître.
Voici pourquoi.
Que sont les liens bleus (que disent-ils sur Google) ?
Avant d'aborder les raisons pour lesquelles je pense que les 10 liens bleus vont cesser d'exister, essayons de mieux comprendre ce que sont les listes organiques dans les SERP de Google. Je ne parle pas de leur apparence, de leur fonctionnement et de leur utilité. Je pense que nous en sommes tous conscients. Mais ici, je m'intéresse bien plus à ce que les « liens bleus » disent de Google, des utilisateurs et de la recherche en tant que concept. Par ailleurs, je tiens à préciser dès le départ que je ne propose pas que Google supprime les résultats organiques : j'affirme seulement que la façon dont ils sont présentés actuellement n'est pas viable.
Les résultats organiques sur la SERP sont comme un voyage d'affaires. Vous n'êtes pas là pour explorer ou découvrir le rythme d'une ville. Vous avez un objectif précis ; et une fois que vous l'avez accompli, vous repartez.
Les résultats organiques, l'offre de liens vers 8 ou 9 pages web est un voyage d'affaires. Vous allez sur la page, vous obtenez l'information, et vous avez terminé.
Les résultats organiques ne vous mènent pas au-delà de la page sur laquelle vous avez cliqué. Ils ne vous guident pas, ils ne vous offrent pas un chemin ou quoi que ce soit de ce genre. Ils sont simplement là. Ce sont des options, ni plus ni moins.
En se concentrant sur les utilisateurs, on peut affirmer que les résultats organiques montrent que « les gens sont utilitaristes. Ils ont un objectif très spécifique : obtenir une information précise ; puis ils sortent de l'écosystème. »
Vus sous cet angle, les résultats organiques ne sont pas très « flatteurs » dans ce qu'ils disent sur la nature des gens et leur quête de connaissances. Même Google l'admet sans détour avec sa notion de « recherche en tant que voyage », selon laquelle les gens sont en quête d'une compréhension globale à plusieurs niveaux.
Le problème est que l'acquisition d'informations et de connaissances ne ressemble pas à un voyage d'affaires. Vous devez comprendre le « rythme » d'un sujet. C'est pourquoi la façon dont Google présente la SERP et ses liens bleus va changer.
Le problème : les 10 liens bleus ne permettent pas une exploration
La construction de la connaissance est bien plus complexe que le fait de poser une question à quelqu'un et de lui fournir une réponse factuelle. Si les internautes ne s'intéressaient qu'à cela, il n'y aurait pas besoin des « 10 liens bleus » sur les SERP, ni d'aucune forme d'URL.
Les réponses directes de Google satisferaient les besoins de la plupart de ces utilisateurs, et tout ce qu'il vous faudrait vraiment, c'est une URL à l'intérieur d'un Featured Snippet sur laquelle il ne serait pas forcément nécessaire de cliquer.
En tant qu'ancien enseignant, j'ai toujours considéré la connaissance comme une construction de schèmes (à la Piaget). Pour créer une compréhension légitime ou même une familiarité avec quelque chose, il faut plusieurs tentatives. En d'autres termes, il faut plusieurs contenus provenant de plusieurs points de vue et traitant de plusieurs sujets et sous-sujets. C'est ainsi qu'un être humain construit un schème. C'est pourquoi les élèves apprennent par "unité", et non un sujet un jour et un sujet totalement différent le lendemain.
Ce n'est pas un concept nouveau. Lorsqu’il nous arrive de décrire l'entonnoir marketing comme « confus », c'est en raison justement de la façon dont la connaissance et la familiarité sont construites. Nous le savons tous, les gens vont regarder un produit, faire des recherches, peut-être différer un peu l'achat, y réfléchir, obtenir plus d'informations, rechercher d'autres options, y réfléchir encore, acquérir d'autres renseignements généraux, et seulement alors (peut-être) acheter le produit.
Pourquoi cela se passe-t-il ainsi ? Parce que les gens essaient d'être à l'aise avec l'achat avant de le faire. Comment devient-on « à l'aise » ? Vous vous familiarisez. Vous construisez un schème de connaissance. Vous comprenez le produit, ses avantages, les autres solutions possibles, d'autres aspects, et après tout cela, vous vous sentez prêt à faire un achat.
Lorsque l'on examine la manière dont la SERP est configurée, avec l'accent mis sur les liens bleus complétés par les fonctionnalités SERP, on voit que seul un chemin de connaissance très linéaire est envisagé. La SERP est conçue pour offrir des réponses rapides, soit par le biais des fonctionnalités SERP, soit par du contenu via les URL classées.
Plus simplement, la SERP n'est pas conçue pour l'exploration. Elle n'est pas faite pour approfondir un sujet. Même le Knowledge Graph vous donne surtout la possibilité d'une exploration horizontale. Il vous permet de vous déplacer d'un élément de connaissance à un autre, mais pas nécessairement d'approfondir l'un d'eux.
Prenons le cas d'une célébrité, par exemple Oprah :
Google, avec son Knowledge Panel, fait ici deux choses (fondamentalement) :
- Il fournit des informations générales/contextuelles (via l’onglet Aperçu).
- Il vous connecte à d'autres ressources liées à l'entité (via les onglets Livres, Vidéos et Films et programmes TV).
Comparez avec la façon dont Wikipedia aborde la même entité :
Ici, au lieu d'être simplement connectés aux ressources liées à l'entité, nous obtenons une plongée bien plus profonde dans les différentes facettes qui constituent l'identité d'Oprah, de son enfance à ses controverses en passant par son influence politique, son impact sur la société et son parcours dans le cinéma.
Cela ne veut pas dire que Google ne sait pas segmenter un sujet pour qu'il puisse être facilement exploré via les SERP.
Il le fait très bien pour les SERP « Covid », par exemple :
Dans ce cas, Google segmente le sujet général dans un format qui permet à l'utilisateur d'explorer facilement les différents éléments qui composent le sujet général (au moins au niveau initial de l'exploration).
Toute SERP qui n'est pas construite ne permet pas une véritable voie d'exploration.
Je ne crois pas dire ici quelque chose que Google ignore. Je pense que l'idée de créer une SERP qui permet aux gens d'explorer un sujet de manière complète, dynamique et différenciée est l'idée maîtresse qui sous-tend Google MUM.
Google MUM et la nécessité d'aller au-delà de la SERP telle qu'elle existe actuellement
MUM répond au défaut d'exploration qui est la conséquence même de la SERP telle qu'elle existe actuellement (principalement parce que la SERP est le résultat des capacités de Google, et que MUM est un pas de géant au-delà de ces capacités).
Pour commencer, MUM, comme son nom l'indique, est un "modèle unifié" capable de comprendre l'information à travers le texte et les images (avec d'autres formats de médias à venir). Cela signifie donc une SERP qui intègre divers médias dans le but de fournir des informations aux utilisateurs. Et il en résulte naturellement une SERP qui n'est pas formatée de la même manière.
De plus, l'idée de MUM est d'analyser les aspects d'une requête et d'un sujet pour fournir des informations segmentées qui tentent de prévoir les différents besoins d'un utilisateur. Il s'agit par nature d'une approche multicouche et complète de la diffusion d'informations sur les SERP.
C'est une analyse et une répartition verticales d'un sujet. Pour la prendre en charge de manière adéquate, Google va devoir reformater la SERP. Au lieu d'offrir une liste de 9 ou 10 options qui parlent toutes de la même chose (ou, si Google cible plusieurs intentions, de 2 ou 3 choses), Google va devoir aller plus en profondeur pour que les utilisateurs puissent explorer chaque aspect des informations pertinentes de manière substantielle.
Prenons l’exemple de la requête « aller match parc des princes » :
Les résultats ici sont assez linéaires. Ce sont des endroits pour obtenir des billets pour assister à un match.
Google s'efforce d'approfondir la compréhension de la requête avec la deuxième URL affichée :
C'est exactement là où je veux en venir : un résultat sur la SERP qui renvoie à une page détaillant les éléments à prendre en compte avant d'acheter des billets pour un match (du point de vue de l'accès au stade).
Ce qu'il faut savoir avant d'aller à un match au Parc des Princes est un chemin de connaissance en soi. Il y a un tas de choses à considérer avant d'aller à un match (autres que l'accès au stade). Je peux penser facilement à une demi-douzaine de points :
- Pouvez-vous apporter votre propre nourriture ? Si oui, doit-elle être dans un sac transparent ? Les couverts doivent-ils être en plastique ?
- Quelles sont les restrictions dues au covid ?
- Si je suis un fan de l'équipe invitée, est-ce que je peux y aller en toute sécurité ?
- Les vendeurs acceptent-ils les espèces ?
- Y a-t-il des endroits où passer la nuit à proximité ?
- Les environs sont-ils sûrs la nuit ?
Au lieu d'une ou plusieurs sections entières de la SERP consacrées à ce qu'il faut savoir pour aller voir un match, nous obtenons un ou peut-être deux résultats sur la SERP.
MUM est capable de prévoir les différents besoins qui accompagnent la requête et de fournir des ressources spécifiques qui répondent à ces besoins (que ce soit des liens vers des pages, des images, etc.).
La SERP, telle qu'elle est et a été, ne peut tout simplement pas proposer une telle chose et ne tente pas vraiment de le faire.
Ce qui s'en rapproche le plus, c'est lorsque Google donne différents résultats organiques (ou même des fonctionnalités SERP) pour répondre à des intentions multiples. Mais cela reste néanmoins très limité, car il s'agit le plus souvent d'un grand « fouillis » d'URL et de fonctionnalités répondant toutes à des besoins différents, mais disposées sans aucune démarcation claire.
En réalité, nous avons déjà constaté les premiers pas du MUM, car Google a introduit les fonctions pour affiner ou élargir une recherche :
Cependant, ces éléments, bien qu'ils soient un début intéressant, ne permettent pas de faire avancer les choses de manière significative, car ils ne sont qu'une réflexion après coup ou des ajouts. La SERP reste fondamentalement la même structure qui ne favorise pas vraiment la construction de schèmes ni l'exploration.
De plus, ces éléments ne permettent pas une exploration qualitative du sujet ni une l'exploration thématique de la SERP.
Examinons ce carrousel pour élargir la recherche randonnée en montagne (« hiking mountains ») :
Ce que vous obtenez, ce sont essentiellement des options de randonnée classées par catégories, comme Randonnée côte est ou Randonnées dangereuses États-Unis.
Est-ce fondamentalement différent de la liste de randonnées que Google propose avec sa fonctionnalité pour découvrir plus de lieux ?
De plus, si vous utilisez la fonction d'élargissement de la recherche, vous arrivez sur une autre SERP qui présente les mêmes défauts que toutes les autres SERP :
A contrario, imaginons une SERP qui vous donne des points d'accès faciles pour explorer des informations non seulement sur les randonnées locales, mais aussi sur l'équipement, la formation, les conseils, les réglementations locales, etc.
Ainsi, même s'il est bon de voir MUM faire son entrée dans la SERP, cette itération actuelle est loin de correspondre à la direction que Google souhaite prendre. En effet, si Google adoptait les points d'accès thématiques que j'ai mentionnés, il devrait remanier la SERP et proposer une multitude de formats médias afin de servir au mieux l'utilisateur. Il devrait supprimer les liens bleus tels que nous les connaissons actuellement.
Le défaut fondamental des résultats organiques sur les SERP
À vrai dire, j'ai contourné le vrai problème des résultats organiques tels qu'ils sont actuellement construits. En effet, ils sont basés sur les requêtes et non sur les utilisateurs.
Qu’est-ce que je veux dire par là ?
Le conseil traditionnel de Google est de créer un contenu de site qui privilégie l'utilisateur. C'est un bon conseil ; mais jusqu'à une date relativement récente, Google n'avait pas la technologie pour le suivre.
Lorsqu'il propose des résultats organiques, Google ne pense pas à l'utilisateur, mais à la requête. Il essaie de saisir la requête et, au cours des dernières années, il a fait un bon travail pour comprendre les implications latentes de la requête.
Toutefois, cela peut être un peu trompeur. Si Google comprend l'intention de l'utilisateur, cela ne signifie pas tant qu'il comprend l'utilisateur que ce que l'utilisateur veut dire par sa requête. Google n'a pas construit un persona dont il peut prédire les besoins.
Si la SERP était construite en fonction de la capacité à comprendre "qui" effectue la requête, les choses seraient bien différentes. Je précise que je ne parle pas ici de personnalisation (pour l'essentiel). Je parle plutôt de la compréhension des « profils ». Ce que je veux dire, c'est que Google se demande : « Qu'est-ce qu'une personne recherchant cette requête dit d'elle ? » et « Qu'est-ce qui est compris dans le thème général représenté par la requête ? ».
Une SERP qui s'adresse à l'utilisateur par rapport à sa requête serait capable de prédire les différents besoins de l'utilisateur et d'offrir des points d'accès pour explorer ces besoins. Il n'est pas facile de savoir à quoi cela ressemblerait et comment cela fonctionnerait, mais je peux dire une chose : un éparpillement de liens qui répondent peut-être à 2-3 « intentions » ne suffit pas.
En d'autres termes, au lieu d'essayer d'interpréter les significations possibles d'une requête, une approche plus axée sur l'utilisateur prendrait en compte les extensions thématiques périphériques que la requête et ses diverses significations évoquent.
Je pense que c'est, encore une fois, ce vers quoi Google essaie de tendre avec MUM. Quoi qu'il en soit, une SERP dont les résultats organiques sont axés sur la requête et non sur l'utilisateur s'accompagne nécessairement d'un certain clivage qui nuit à son efficacité.
À quoi ressemblera (devrait ressembler) la SERP ?
La SERP devrait être un portail de contenu (faute d'un meilleur terme). Je pense que l'objectif est de créer un écosystème qui présente des points d'accès à l'éventail complet des contenus pertinents sur le plan thématique. Si les gens ont besoin de construire des schèmes pour élaborer des connaissances, il doit y avoir des points d'accès à de multiples passages que l'utilisateur peut emprunter.
Ces points d'accès, bien sûr, doivent être clairs et bien définis (par opposition au tas de contenus des résultats organiques représentant de multiples intentions d'utilisateurs).
Je pense que nous nous dirigeons vers une segmentation thématique forte présentant des formats de médias multiples. En d'autres termes, une SERP qui offre une vue d'ensemble du matériel thématique de manière catégorisée, un peu comme le fait la SERP COVID, mais en plus large.
La simple segmentation par thème n'est pas d'une grande utilité si tout ce que vous obtenez dans chaque catégorie est une liste de résultats. Pour permettre une exploration complète, chaque catégorie doit être segmentée à nouveau.
Prenez le Knowledge Panel de l'ancienne star du football américain Jerome Bettis :
Sous l'onglet « Education », vous trouverez un lien vers un site contenant ses statistiques de jeu à l'université, une série d'images de lui jouant à l'université, etc.
Mais si au lieu de cela, il y avait un ensemble multimédia comprenant toutes sortes de vidéos par catégorie (c'est-à-dire des vidéos de lui jouant à l'université, des vidéos de ses interviews télévisées lorsqu'il était à l'université, etc.) ?
De plus, aucun contexte n'est donné sur l'école qu'il a fréquentée (Notre Dame). Imaginez donc si la SERP présentait une foule d'informations relatives à l'école elle-même afin de mieux contextualiser ce que signifie pour un joueur de football le fait d'être issu du programme sportif de cette école ?
En d'autres termes, pour être un véritable portail d'information, il faut s'éloigner de la simple énumération d'un ensemble d'URL sur une page de résultats. Cela ne signifie pas que je ne suis pas favorable à la présence de résultats organiques sur la SERP du futur. Au contraire, je pense et j'espère qu'il y aura toutes sortes d'URL abordant une variété de sujets, de sous-thèmes et sous différents formats. Je ne pense pas que la simple énumération des résultats 1 à 10 sur une page soit efficace ni qu'elle constitue le fondement de la SERP du futur.
Le changement est difficile, même pour les moteurs de recherche
La difficulté pour Google (et les autres moteurs de recherche) est que ce que j'ai décrit ici est en fait un nouveau produit. Il est difficile de s'éloigner de ce qui vous a rapporté des milliards de dollars ! Les liens bleus fonctionnaient, et ils fonctionnent toujours dans une large mesure. Cela dit, je pense que Google voit la nécessité de s'orienter davantage vers un modèle de portail (le MUM pointe dans cette direction).
Pour moi, la question n'est pas seulement de savoir si Google va s'éloigner de la SERP traditionnelle et la manière dont il proposera des résultats organiques, mais plutôt dans quelle mesure ? Va-t-il résister à la tentation de modifier en profondeur la SERP traditionnelle ou va-t-il s'engager avec enthousiasme dans une nouvelle construction ?
Dans un cas comme dans l'autre, je ne m'attends pas à un changement soudain et radical, mais plutôt à une évolution progressive vers une nouvelle SERP au fur et à mesure que de nouvelles technologies vont être intégrées à l'algorithme.