“La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié” : derrière cette maxime d'Édouard Herriot se cache une définition presque parfaite de la référence culturelle. Une petite chose protéiforme et entêtante qui peut trouver une grande utilité en communication et en marketing… Pour peu que l’on sache s’en servir.
Voilà qui tombe bien, c’est tout le propos de cet article qui, après avoir tente de vous dresser un portrait-robot approximatif de la référence culturelle, vous expliquera par le menu comment en faire l’arme marketing de demain.
Portrait-robot de la référence culturelle
Qu’est-ce qu’une référence culturelle ? À partir de quel moment considère-t-on qu’une référence culturelle est passée dans le patrimoine commun ? Autant de questions qui ne trouveront certainement pas de réponses claires ici, autant vous prévenir tout de suite…
L’individu dans le collectif
On va tout de même essayer en pointant du doigt le fait que la culture se définit (merci le Petit Robert) comme “l’ensemble des aspects intellectuels, artistiques d'une civilisation”, soit par essence quelque chose de foncièrement collectif et partagé. Dans le même temps, sachez que la référence est-elle l’acte de “recourir à quelque chose ou à quelqu'un comme à une autorité, s'en prévaloir comme d'une caution”... Soit un acte totalement individuel en soi !
Après avoir remercié le Larousse pour cette nouvelle définition (le Petit Robert étant déjà parti en classe de neige avec le Petit Nicolas), on va refaire les calculs au plus simple : et si la référence culturelle n’était autre que l’inscription de l’individu dans le collectif qui l’entoure ?
Et pour le dire en terme moins sociologiques et plus marketing, la référence culturelle pourrait être le fait pour un consommateur d’affirmer son appartenance à un groupe-cible… Donc une arme ultime pour le spécialiste du marketing et de la publicité qui saurait bien s’en servir.
Une question de format
Mais rentrons donc dans le vif du sujet, tentons de donner une forme à cette idée encore confuse de la référence culturelle. Car cette dernière s’avère kaléidoscopique et peut se métamorphoser à l’infini, pouvant tour à tour être :
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Visuelle : c’est la forme première de la référence culturelle, celle qui se passe de langage ou de son. Un geste ou une gestuelle, une mimique peuvent parfois suffire à exprimer beaucoup, et parlera immédiatement à ceux qui associeront cette image à quelque chose de connue par eux.
L’exemple qui tue : la gestuelle de John Travolta et Uma Thurman dans la scène de danse de Pulp Fiction, avec ses doigts en ciseaux que l’on passe devant le visage avant de mimer une descente en apnée.
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Sonore : deuxième forme privilégiée de référence culturelle, la référence sonore est souvent liée par nature à un film ou une chanson. C’est ici à l’oreille que l’on fait appel, et cela implique un minimum d’exactitude dans le rendu de la référence, que ce soit en termes de vocabulaire que d’accent ou d’intonation.
L’exemple qui tue : “Eh ! Vous avez oublié vot' Scrabble !”, réplique (approximative) de Gérard Jugniot et Gérard Jugnot et Josiane Balasko dans les Bronzés font du ski, juste avant de lancer le jeu dans la rue depuis le deuxième étage. Notez que “eh, vous avez oublié vot’ Monopoly” n’a aucun sens, et que la prononciation originale de “vot” doit être préféré à “vôtre” pour plus d’impact... mais qu'importe en revanche si la version originale est divisée en deux temps, "oh ils oublié leur Scrabble" et "hé, vous avez oublié quelque chose".
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Textuelle : troisième et dernière forme, elle diffère fortement de la seconde en tant que, écrite et laissant donc le temps de la réflexion, elle peut être propice au jeu de mot et à une inexactitude travaillée. C’est même tout son intérêt, dans le sens où la retranscription textuelle telle quelle d’une référence culturelle perd un peu de sa saveur.
L’exemple qui tue : La presse française en général et la presse sportive en particulier (allez savoir pourquoi) regorge d’exemples probants en la matière, de “Bordeaux : un grand crû” pour saluer le bon début de saison des Girondins (si si, ça arrive) ou “Le Lyon est mort ce soir” (référence au titre de Pow Wow) après une élimination prématurée de nos amis rhône-alpins d’une coupe quelconque.
Ces deux derniers exemples ont ceci d’intéressants qu’ils nous permettent de mettre en valeur le fait que référence culturelle ne signifie pas obligatoirement référence pop-culture, ni référence générationnelle !
Petite typologie de la référence culturelle
En effet, si l’on a tendance à entendre “pop-culture” quand on parle de référence culturelle, le spectre de celle-ci est beaucoup plus large que ça… Bien que pas assez large pour que l’on ne puisse pas la classifier en trois catégories essentielles :
- La référence générationelle : c’est celle à laquelle on pense en premier, mais aussi sans doute la plus diificile à manier puisque justement, elle est affaire de génération. Liée essentiellement aux films et aux chansons, elle varie considérablement de la génération X à la génération Z, qui n’ont pas été bercées par les mêmes choses.
L’exemple qui tue : Si pour les gens nés au début des années 80, La Cité de la Peur est un réservoir inépuisable de “quotes” en tout genre (“vous voulez un whisky” suffit à déclencher leur hilarité), le film ne sera absolument pas une référence pour la génération suivante qui, en revanche, aura du mal à comprendre que tout le monde ne connaisse pas par coeur les répliques de Brice de Nice ou de OSS 117.
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La référence classique : on pourrait aussi parler ici de référence “culture générale”, qui va aller taper dans l’histoire, la littérature et les sciences. Elle diffère fortement de la première en ce sens qu’elle est accessible non pas à une génération en particulier, mais à un groupe social possédant une éducation commune.
L’exemple qui tue : La citation historique du type “La marque meurt mais ne se rend pas” ou “Du haut de ses pyramides, quarante marques de dentifrices vous contemplent” ne dira quelque chose qu’aux aficionados de Napoléon.
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La référence éphémère : produit du siècle nouveau, la référence éphémère est irrémédiablement lié à Internet, à la télévision et à la (nouvelle) vitesse de propagation de l’information. Memes, saillies télévisuelles, ces références ne durent que le temps d’un clin d'œil et sont particulièrement propice au newsjacking sauvage… Avant qu’il ne soit déjà trop tard !
L’exemple qui tue : Pas certain que l’on se souvienne longtemps (et si c’était déjà trop tard ?) du “Allô quoi” de Nabila ou des mèmes de Baby Yoda qui occupent tous les écrans… Le temps de les utiliser jusqu’à plus soif avant qu’ils ne retournent à leur statut de référence éphémère dont on est bien content qu’elles le restent. Parfois.
Bien entendu, tout un tas de possibilités s’ouvrent à vous à partir de cette typologie de base… Cinéma, musique, série… Autant de domaines qui regorgent de références culturelles qui ne demandent qu’à être utilisés à bon escient. Mais comment ?
Comment se servir du référent culturel ?
Tout ça, c’est bien joli, mais une fois qu’on a bien identifié ce qu’était un référent culturel, il faudrait voir à les utiliser correctement… Et à savoir pourquoi !
Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Maurice
L’influence de la culture sur l’acte d’achat est aujourd’hui très largement reconnue, ne serait-ce que parce qu’une utilisation réussie du storytelling et du référent culturel permet de singulièrement améliorer le “capital sympathie” de la marque, en créant une certaine connivence avec votre audience.
C’est même là l’un des buts premiers, un acte de “branding” et de positionnement de sa marque dans l’esprit du consommateur, qui s’appuie sur une idée (presque) vieille comme le monde, ou en tout cas vieille comme l’invention du marketing : le client est toujours plus porté vers une marque qui lui ressemble, et le sentiment d’appartenance à un groupe social (“toi aussi tu connais ce film, nous faisons donc partie du même monde, donc tu m’aimes, donc tu m’achètes”) est une des bases essentielles de notre métier.
Branding, advertising, newsjacking, les utilisations de la référence culturelle sont nombreuses, jusqu’à atteindre le but ultime d’une marque : devenir elle-même une référence culturelle. On peut aujourd’hui presque parler d’une “génération Orangina” marquée à vie par les publicités de la boisson dont on ne sait toujours pas pourquoi sont-ils si méchants. Milka et sa marmotte ou Nestlé et son petit garçon espiègle ne sont pas en reste de ce point de vue-là…
Applications pratiques de la référence culturelle
Si les exemples ci-dessus sont tous issus du domaine de la publicité, les applications pratiques de la référence culturelle sont bien plus larges que ça. On peut ainsi la retrouver dans :
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La publicité, donc, terrain de jeu favori de l’amateur de référence culturelle. On peut citer ainsi des marques comme IKEA (qui reconstituait ainsi des appartements de fiction célèbre) ou Lego, dont l’essentiel de la stratégie publicitaire est basée effectivement sur l’utilisation toujours acérée de la référence culturelle.
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Le content marketing est aussi très propice à cet usage, ne serait-ce que par la variété des possibilités qui s’offrent au content marketeur, de la tonalité de l’article à sa stylistique : on peut ainsi imaginer un article entièrement écrit “dans le style de”, qui touchera à coup sûr sa cible.
Le choix des illustrations mais aussi de la titraille peut s’avérer particulièrement efficace. C’est ainsi que nous avions choisi pour notre concours du blog 2019 le titre de concours “Blogueur-né”, référence - pour certains - évidente au film “Tueurs-nés” d’Oliver Stone. De quoi motiver les vocations.
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Le social media, dans une variante “light” du content marketing, voit souvent l’utilisation de la référence culturelle intervenir dans le cadre d’un newsjacking sauvage. Post Twitter ou mini-infographies, la sortie récente du nouvel - et dernier - épisode de Star Wars fut l’occasion d’un déferlement référentiel qui ne se dépare jamais de son but marketing premier : ici, faire la promotion de l’extension de la base de données de notre outil Magic Keyword.
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Le SEO aussi, en parlant de cet outil Magic Keyword, peut se servir de la référence culturelle, ne serait-ce que parce que sans elle votre optimisation de contenu restera fatalement incomplète.
Comment être un bon “référenceur”
Les conseils suivants ne concernent pas le référenceur SEO mais bien celui qui souhaite utiliser la référence culturelle à bon escient et qui devront donc pour ça :
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Connaitre sa marque : une exploration complète du patrimoine culturel de la marque s’avère un prémisse indispensable : son histoire déterminera en partie les frontières du référent culturel que vous pouvez/devez utiliser. Ainsi une marque bretonne crée il y a plus de 200 ans n’aura aucun mal à utiliser les druides et autres mythes celtes pour construire son identité.
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Connaître son territoire : l’histoire est importante donc, mais aussi la géographie. La connaissance du territoire et de ses particularismes est d’autant plus importante pour une marque internationale, le référent culturel étant fatalement extrêmement différent d’un pays à l’autre.
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Connaitre son audience : “My G-g-g-g-generation” comme le chantait les Who (qui ça?), voilà qui est sans doute une des pierres d'achoppement de la référence culturelle, qui se doit être en totale adéquation avec l’audience de la marque. L’outil Market Explorer de SEMrush permettra de se faire une meilleure idée de cette audience, et une connaissance parfaite des différentes générations sera un préambule indispensable.
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Connaitre ses limites : attention à utiliser la référence culturelle à bon escient, tout type de continu ne s’y prête pas : évitez de faire référence à un sujet par trop polémique, meilleur ennemi du marketeur et du publicitaire. Rappelez-vous toujours, comme le disait Pierre Desproges, que l’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui…
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Connaitre tout le reste : un bon content marketeur a une solide culture générale, mais parfois, cela ne suffit pas. Outre une curiosité hors du commun, mieux vaut aussi avoir une certaine passion pour le travail d’archiviste… Histoire de se construire une base de donnée référentielle dans laquelle vous pourrez puiser à l’envie !
Après avoir appris à conjuguer le passé et le présent, le but ultime du content marketeur doit être d’apprendre à anticiper la référence culturelle de demain… En espérant que ce petit article vous y aidera. N’hésitez pas à laisser vos commentaires si tel est le cas !