[Rank me if you can] Étude : les médias numériques français face au SEO en 2020

Jonathan Henault

juin 03, 202011 min de lecture
les médias numériques français face au SEO en 2020

TABLE DES MATIÈRES

Comme le notait très justement Presse Citron à l’occasion de la première édition de son baromètre du web mis en place en avril avec SEMrush, les médias français ont sans doute été les véritables gagnants de la crise sanitaire du COVID-19. 

En tout cas ceux qui possédaient déjà avant la crise un site internet performant, les médias “traditionnels” ayant eux copieusement souffert de la situation qui a entraîné une baisse généralisé des recettes publicitaires. Seul les médias digitaux ont tiré leur épingle du jeu en la matière, avec une hausse de 1,9 % sur la période. 

Du côté du SEO et de la présence sur Internet, c’est encore plus évident : en analysant le top 100 des médias digitaux français en avril 2020, on constate une très intéressante augmentation moyenne du trafic sur les sites webs de 23.41 % par rapport au mois précédent, avec des pics allant jusqu’à 57 % de hausse pour lindependant.fr ou un peu plus de 50 % pour le site du journal Marianne. 

Nous allons dans cet article étudier en détail la stratégie SEO du top 10 des médias français en avril 2020, de leur acquisition de backlinks à leur stratégie de mots-clés en passant par leurs audiences respectives ! 

Panorama du marché des médias numériques

À de rares exceptions près, essentiellement des sites d’informations et diffusions sportives tels l’Équipe (-1,75 %) ou Eurosport (-11,56 %) dont le flux s’est particulièrement tari ces derniers temps, c’est donc la quasi intégralité des médias numériques français qui ont vu leur trafic augmenter le mois dernier. Au sein de notre top 10 des médias français, la même logique d’augmentation est respectée. Ce sont tout particulièrement Le Journal des Femmes (+36 % en avril et 6 positions gagnées pour atteindre le 29ème rang national) et le Parisien (+30 %, 18ème position en France, +4) qui s’en sont le mieux sorti. 

Top 10 des médias français en avril 2020

Le top 3 est lui constitué d’un quotidien régional qui a su prendre à temps le train de la mondialisation (Ouest-France, 155 millions de vues en avril soit 37,90% de plus qu’en février), d’un dinosaure de la presse nationale fondée en 1826 et dont l’autorité n’est plus à prouver (Le Figaro, plus de 162 millions de visite soit 31 % de plus en deux mois de crise) et de l’incontournable site de la radio France Info, qui peut compter sur son direct radio et direct télé pour faire le plein de visites dans une période où les français avaient plus que jamais besoin d’information en continue. 

Médias numériques français : évolution du traficMédias numériques français : évolution du trafic

S’il était besoin d’une quelconque confirmation, les volumes de recherche marques correspondant à ce top 10 sont aussi éloquents, avec plus de 307 % d’augmentation de la requête BFMTV par exemple, et 309 % d’augmentation pour “Le Journal des Femmes”, qui a bénéficié des nouvelles plages de temps libre des françaises pour voir son lectorat monter en flèche. 

Médias numériques français : évolution des requêtes de marqueMédias numériques français : évolution des requêtes de marque

Il faut tout de même tempérer cette information en observant l’évolution du marché sur une plus large période de temps, suffisante pour se rendre compte que la hausse du trafic sur les sites webs des médias digitaux ne datent pas d’hier : la crise n’a en réalité fait qu’accentuer fortement une tendance à la hausse très régulière qui voit le numérique prendre le pas sur les formats plus traditionnels.

Médias numériques français : évolution du trafic sur deux ans

Mais crise ou pas crise, rien ne nous empêche de saluer les performances d’un Gala, passé en un an sur notre Growth Quadrant du statut d’acteur de niche (faible volume, progression lente) à celui de Game Changers au taux de croissance bien plus élevé que la moyenne du marché. Ou bien entendu d’un Ouest-France, qui lui a fait le trajet inverse en troquant son statut de Game Changer pour celui plus enviable encore de Leader, gros volume et croissance active à la clé !

Médias numériques français : growth quadrant du top 10

Comportement des utilisateurs

Tout cela est très joli, mais concrètement, qu’est-ce que les gens trouvent à Ouest-France ? Pour ne prendre que l’exemple (à suivre) du quotidien breton, on constate en étudiant le top 10 des pages du site les plus visitées une répartition intéressante entre sujets evergreen adaptés à leur lectorat (recettes de cuisine, voiles et voiliers…) et sujets d’actualités purs, Coronavirus en tête… sans oublier malheureusement la traditionnelle page des avis de décès et son triste record de 4 millions de vue le mois dernier. 

Médias numériques français : top pages Ouest-France

Il est vrai ceci-dit que l’audience de Ouest-France diffère sans doute légèrement de celles des autres médias de ce top 10, que nous avons voulu assez large en n’excluant volontairement pas des médias spécialisés (Jeuxvidéos.com) ou à l’audience par nature particulière (Le Journal des Femmes). 

Pour le reste, sur l’ensemble du marché, on peut noter que la génération des millenials compose une grande partie (29 %) de l’audience des médias numériques français. Ils sont même un lecteur sur deux à faire partie de la tranche d’âge 25-44 ans. 

Médias numériques français : répartition de l'audience

Toujours est-il que sur les 5 premiers de ce classement, tous des médias d’information “pure”, les chevauchements d’audience sont assez intenses : même Le Figaro, pourtant à la tête de l’audience la plus “fidèle”, ne peut s'enorgueillir que de 18,04 % d’audience unique. 

Médias numériques français : chevauchement d'audienceMédias numériques français : chevauchement d'audience

Le nouveau widget “Parcours du trafic” lancé par SEMrush sur son outil Analyse du trafic va confirmer cette relative volatilité de l’audience, avec l’exemple cette fois de Francetvinfo : il est intéressant de noter qu’outre Google, les principaux sites de destination des internautes sont des médias concurrents, 20minutes.fr, Leparisien.fr ou bfmtv… Les français auraient-ils soudainement appris à double-checker l’information en consultant plusieurs sources ? 

Médias numériques français : parcours du trafic sur Francetvinfo.fr

Un autre indicateur de volatilité de l’audience demeur ces taux de rebonds assez incroyables détectés par notre outil, pour la plupart supérieurs à 70 %. Certes, comme l’explique si bien Laurent Bourrelly, on sait que cette métrique est loin d’être imparable, mais elle semble tout de même indiquer ici que 7 lecteurs sur 10 ne verront qu’un seul article sur le site web du média atteint, avant de partir immédiatement sans chercher à consulter plus de pages. On en aura confirmation plus tard, mais cela pourrait annoncer d’ores et déjà une prépondérance du search sur le direct : de manière classique, un internaute va chercher un sujet d’actualité, consulter la page de l’article - si elle est accessible hors abonnement - et quitter immédiatement le site à la recherche d’une autre information, qu’il ne pense pas forcément trouver sur celui-ci. 

Médias numériques français : taux de rebond

Premier (sans surprise) de ce classement du taux de rebond, le site spécialisé Jeuxvideos.com est aussi bien placé en terme de durée de visite, avec un impressionnant 19:46 minutes de moyenne. Mais cela ne doit pas occulter le fait qu’en termes de temps de lecture, l’intégralité de ce top 10 possède des stats à faire pâlir de nombreux content manager du pays. 

Médias numériques français : durée moyenne de visite

Mais surtout, les spécialistes du gaming est aussi bien naturellement leader en termes de nombre de pages visitées : 5.79 en moyenne contre 2.38 pour Le Monde, sur la deuxième marche du podium. On tirera de ces faibles chiffres (la plupart sous les deux pages) les mêmes conclusions que pour le taux de rebond, la moyenne des pages visitées est en chute car l’internaute va avoir tendance à aller chercher plus d’info ailleurs. 

Médias numériques français : nombre moyen de pages visitées

Stratégie d'acquisition SEO

Alors, les médias numériques français sont-ils déjà au courant de cette relative volatilité de leur lectorat (on ose l’imaginer), et en ont-ils tiré des conclusions en terme de stratégie SEO et de prédominance à accorder au Search ? Il semblerait à première vue que, en concentrant 17 % du total de trafic Search de ce top 10, Le Figaro ait déjà une longueur d’avance… mais la suite est plus surprenante !

Médias numériques français : part de visites par sources

Cherche-moi je te fuis

En effet, si l’on se concentre maintenant non pas sur la répartition du trafic Search au sein de ce top 10, mais sur la part qu’il occupe dans le trafic de chaque média, on tombe avec surprise sur des chiffres extrêmement bas : mis à part jeuxvideos.com qui tirent 50 % de ses visites d’une requête sur un moteur de recherche, tous les autres médias de la liste oscillent péniblement entre 11 % et 27 % de trafic global issu du Search. 

À titre de comparaison, les leaders de la Grande Distribution, sujets de notre dernière étude, tirait entre 40 et 60% de leur trafic de ce même médium. 

Médias numériques français : part du trafic Search

Les médias numériques français auraient-ils donc abandonné toute stratégie de mots-clés? Ce serait un peu idiot dans un paysage concurrentiel élevé où il leur faut aussi compter sur la présence des blogs spécialisés ou même des journalistes amateurs. Ce serait même carrément stupide en ce moment si l’on considère l’évolution vertigineuse des mots-clés du secteur : le terme “direct infos” a pris 800 % de hausse entre février et mars 2020, ou encore ces 233 % pour “actualités France”… 

Médias numériques français : évolution des requêtes du secteur
Médias numériques français : évolution des requêtes du secteur

Pour en avoir le coeur net, rien de tel que de replacer ces mots-clés secteur dans notre outil Position Tracking, et de souffler un bon coup : non, le top 5 de nos médias français n’est pas (totalement) à la ramasse en ce qui concerne leur stratégie de mots-clés, même si on peut observer quelques lacunes de positionnement sur les SERPs pour des mots-clés aussi forts que “actu” (ou seul lemonde.fr et 20minutes.fr s’en sortent sans dommage) ou infos, véritable carnage pour le Figaro, d’ailleurs souvent à la peine dans ce secteur. 

Médias numériques français : suivi des positions sur les mots-clés secteur

Conclusion? Ce n’est pas forcément que les médias aient foncièrement délaissé leur stratégie de Search, même si cette dernière pourrait sans doute être grandement améliorée pour certains d’entre eux. Mais alors, d’où vient leur trafic ? Des backlinks, sans doute ? 

Donner du lien

Et bien non, encore perdu ! En tout cas, le tableau suivant semble pointer du doigt une faible part du trafic referral dans le trafic global de notre top 10. Même les leaders en la matière (20 Minutes et France Info) affleurent à 20 % de trafic provenant d’un lien retour, et on tombe même dans des proportions ridicules de 8 % pour Ouest-France ou de moins de 5 % pour Le Journal des Femmes, bon dernier. 

Médias numériques français : part du trafic referral

Encore une fois, est-ce à dire que les médias français n’aiment pas les backlinks ? Ca nous semblerait plutôt étrange. Et les chiffres fournis par notre outil Analyse de Backlinks viennent fort à propos contredire cette théorie : avec respectivement 98,1 et 80,6 millions de liens retour pointant vers leur site, nos deux leaders lemonde.fr et lefigaro.fr possèdent un profil de backlinks des plus enviables. 

Médias numériques français : volume de backlinks

Même les petits poucets gala.fr et jeuxvideos.com ont fière allure : avec 6,3 millions de liens, le spécialiste du gaming a déjà plus de backlinks que… les magasins Leclerc, par exemple. Autre élément primordial dans cette analyse : non content de posséder des profils de liens d’une grande densité, les acteurs de ce top 10 peuvent aussi compter sur la qualité. Ce sont ainsi 97 % des liens pointant vers le Figaro qui sont en dofollow, 90 % pour Le Parisien ou Le Monde ! 

Médias numériques français : part des liens en dofollow

Ainsi donc, il n’y a rien à dire sur la stratégie de backlinks des médias numériques français, qui leur permet d’ailleurs de se voir gratifié par SEMrush d’un excellent Authority Score, métrique basée sur la qualité du trafic organique mais aussi et surtout sur la quantité et la qualité du profil de liens. 

Médias numériques français : Authority Score des sites web

Tout en direct

Si les médias digitaux français ne tirent donc pas l’essentiel de leur trafic ni du Search ni du Referral, c’est bien alors que celui-ci vient d’ailleurs… Le Paid et le Social comptant pour quantités insignifiantes, c’est bien le trafic direct qui est ici à l’honneur, avec une (grosse) moyenne sur ce top 10 de 63,83 % du trafic provenant de ce medium. 

Médias numériques français : part du trafic direct

On constate même sur ce graphique des pics impressionnants à 84,61 % pour Gala.fr et 73,94 % pour Ouest-France : concrètement, les ¾ des visiteurs du site du quotidien régional breton y sont arrivés par un favori ou en tapant directement l’adresse ouest-france.fr dans la barre de navigation. 

Et voilà qui change tout et vient contredire notre première impression quant à la volatilité de l’audience des médias français, visiblement beaucoup plus fidèle qu’on ne pourrait le croire au premier abord !

Nul doute donc qu’avec une telle notoriété / autorité naturelle, couplée à des stratégies SEO relativement équilibrées et performantes, le marché des médias digitaux français a encore de beaux jours devant soi. Reste à savoir correctement monétiser son site pour transformer ce trafic florissant en revenu solide ! 

Méthodologie

Pour construire cette étude, nous avons commencé par isoler les sites médias au sein de notre outil Rang du Trafic, paramétré pour isoler le classement en terme de trafic de l’intégralité des domaines pour avril 2020 en France. 

Par “médias” nous avons entendu ici tout site d’information journalistique comprenant des articles quotidiens sur l’actualité, que celle-ci soit politique, culturelle ou sportive. A l’exclusion donc des blogs d’entreprises ne pouvant être considérés comme un média au sens propre du terme, mais aussi, pour la même raison, des plateformes d’agrégation de connaissances (Wiki) ou de mises en réseau d’avis de particuliers (Allociné). 

Nous nous sommes servis de cette liste pour construire notre introduction et les premières infographies de cet article. Par la suite, nous avons de nouveau effectué une coupe franche dans ce classement en sélectionnant les 10 médias ayant obtenu le plus de trafic en avril 2020 en France. Nous avons analysé en détail :

  • le trafic (taux de rebond, nombre de pages visitées, visiteurs uniques, répartition des sources) de ces sites grâce à l’outil Analyse du Trafic de SEMrush. 

  • le même outil nous a permis d’établir également les pages les plus visitées par les internautes au sein de ces sites webs, le parcours du trafic (origine et destination)

  • les informations concernant l’audience type et le marché des médias français grâce à l’outil Market Explorer, qui nous a permis aussi d’isoler d’un coup d’oeil les parts respectives des différentes sources de trafic pour chaque site. 

  • la recherche organique de mots-clés du secteur des médias - et du top 100 des médias - grâce au Keyword Magic Tool puis l’outil Suivi de Position pour évaluer les positions dans les SERPs des médias sur une liste de mots-clés à fort volumes dans le secteur. 

  • Le nombre et la qualité des backlinks (Authority Score) grâce à notre outil Analyse des Backlinks !

C'est tout pour cette étude, en espérant que vous y aurez appris des choses ! N'hésitez pas à commenter cet article si ces datas vous ont surpris/touchés/émus, et dites-nous surtout si vous souhaiteriez voir une étude sur un autre secteur à l'avenir ! 

Partager
Author Photo
Content Marketing Manager pour Semrush France, Jonathan est l'homme par qui le scandale arrive, mais en prenant son temps. Responsable du blog français sur lequel il publie régulièrement des études et autres articles de vulgarisation plus ou moins sérieux, il aime aussi bien s'entourer. Ecrivez-lui donc si vous voulez participer !