Déjà en forte hausse depuis quelques mois, le secteur de la grande distribution (et en particulier sa branche e-commerce) s’est vu pousser des ailes au premier trimestre 2020, boosté par la pandémie de Covid-19 et le confinement obligatoire qui va avec : +38 % d’augmentation des ventes et même 90 % de hausse du e-commerce (livraison et drive) par rapport à 2019, il n’y a décidément pas eu de panne (d’alimentation) pour le secteur en 2020 !
Pour cette étude Rank Me If You Can d’avril, réalisée dans des conditions un peu spéciales, il était donc tout naturel que l’on aille s’intéresser à la forme de ces entreprises de la grande distribution sur Internet. Et si Carrefour caracole en tête comme l’on s’y attendait, d’autres outsiders du commerce sur Internet tirent bien leur épingle du jeu.
Entre analyse des stratégies SEO et du comportement des consommateurs, on a tenté ici de dresser un portrait-robot relativement fidèle du grand magasin du XXIème siècle, celui qui ne sera plus jamais comme avant après cette crise sanitaire sans précédent.
Pas de panne d’alimentation pour la grande distribution
Il fallait s’y attendre : dès l’annonce du confinement obligatoire pour éviter la propagation de la pandémie, le premier réflexe des français fut de faire des provisions de produits de première nécessité, se renseignant immédiatement sur les horaires et capacités d’ouverture puis sur les options de drive / livraisons à domicile.
Peu surprenant donc que le terme “Course à domicile” soit celui qui ait connu la plus forte croissance entre février et mars 2020 (+ 1976 % de requêtes sur Google.fr), suivi par d’autres occurrences similaires telles que “Courses Drive” et son bond de +1955 %, de 720 requêtes mensuelles à 14800 en mars. Suivent des produits “essentiels” tels la levure de boulanger, recherchée par 165 000 personnes le mois dernier !
En comparaison, les requêtes marques ont vu des taux de croissance sur Google moins importants, mais tout de même assez significatifs… Et à ce petit jeu, c’est d’ailleurs le spécialiste de la livraison alimentaire Houra (inclus dans ce classement de la grande distribution pour un meilleur comparatif) qui s’en sort le mieux en terme de croissance pure (643 % plus de requêtes d’un mois sur l’autre), même si ses 246 000 requêtes mensuelles n’ont pas encore la densité des mastodontes Carrefour ou Intermarché (respectivement 3,35 millions et 2,24 millions de recherches) en la matière.
Mais les spécialistes du SEO le savent bien, recherche organique n’est pas toujours synonyme de trafic organique, ni de trafic en général. On reviendra plus en profondeur dans la fin de cet article sur l’analyse détaillée des stratégies d’acquisition des grosses pointures de la grande distribution, mais un rapide coup d’oeil préliminaire aux chiffres d’évolution du trafic de février à mars 2020 (obtenus via notre outil Analyse du Trafic) donne quand même un début de réponse : oui, ce fut un bon mois pour les sites marchands des acteurs de la distribution alimentaire.
Le site d’Intermarché a vu ainsi son trafic augmenter de plus de 52 % par rapport au mois précédent, une croissance à mettre en parallèle avec les 89 % d’augmentation de trafic enregistrée par rapport à la même période l’an dernier.
Seul Auchan fait mieux YoY (Year on Year) avec 90,23 % de trafic en plus, mais assez curieusement l’entreprise du Nord n’a connu le mois dernier qu’un faible pic de 16,36 %. Suffisant tout de même pour se hisser en deuxième position du top 10 trafic de la grande distribution en mars, avec près de 19,6 millions de visites mensuelles.
E-leclerc (8,9 millions), Intermarché (8,3) et Monoprix (3,9) complètent ce podium archi-dominé par Carrefour.fr et ses 27 millions de visites pour... 11,3 millions de visiteurs uniques, soit quasiment 1 français sur 5. Pas mal quand on considère que beaucoup de ces utilisateurs font des courses pour un ménage entier ! Mais ça, c’est le genre d’informations que l’on pourra confirmer avec notre étude du comportement des consommateurs…
Comportement des consommateurs
Qui sont-ils d’ailleurs, ces consommateurs qui se sont rendus en masse sur les sites des entreprises de la grande distribution ? Notre nouvel outil Market Explorer nous a permis d’isoler un portrait robot assez fidèle des utilisateurs, en majorité des femmes (55,49 %) et âgés de 25 à 34 ans - soit la génération Z, celle qui est née avec Internet.
Ensemble avec la génération Y, ils forment près de la moitié (46 %) des acheteurs sur Internet de produits alimentaires. Des acheteurs pour qui l’utilisation des tablettes et téléphones est prépondérante dans la plupart des cas, avec un trafic mobile qui frôle l’absolu chez Casino (90 % du trafic), Leclerc (78 %) et Auchan (77 %). On remarquera pour la petite histoire que les commerces traditionnellement campagnards (Intermarché et Super U) ont eux un trafic équitablement réparti entre mobile et desktop.
Champion du trafic mobile, Casino l’est aussi (et ce n’est pas une bonne nouvelle) du bounce rate, avec un taux de rebond qui frôle l’apoplexie, à 77,85 %. En clair, près de 8 personnes sur 10 quittent le site Casino.fr sans avoir consulté d’autres pages. Mais il y a une explication rationnelle à cela : le site Casino.fr n’est en effet qu’un site miroir qui redistribue vers trois autres sites, ce qui explique le taux de rebond très élevé.
Voilà une particularité stratégique de la galaxie Casino, qui voit en réalité son trafic divisé entre plusieurs sites : supercasino.fr, geantcasino.fr, le site brand groupe-casino.fr, casinodrive.fr, mescoursescasino.fr et donc le site miroir casino.fr que nous avons choisi d’étudier.
Certes, nous aurions pu aussi prendre en compte les chiffres de Géant Casino uniquement, mais ceux-ci sont encore trop faibles pour rentrer dans le top 5 (1,1 millions de visites en mars) et leur analyse n'aurait pas changé grand chose aux tendances générales. De plus, choisir casino.fr nous permettait une comparaison optimale avec les autres entreprises du secteur (tous en marque.fr ou marque.com), et cela nous permettait aussi de mettre en avant cette tactique particulière de construction galactique de sites vitrines.
Quant aux autres acteurs, mis à part Franprix qui semble décevoir ses visiteurs, ils possèdent un bounce rate relativement optimal, voir tout à fait extraordinaire pour CoursesU et Intermarché. Preuve que les utilisateurs de ces sites y sont venus pour une bonne raison, et y parcourent d’ailleurs de nombreuses pages pour y trouver (tout) ce dont ils ont besoin : 11,3 en moyenne chez CoursesU et 7,26 pour Intermarché. Intéressant d’ailleurs de constater les similarités entre cette infographie et celle du bounce rate !
Mais quelles sont les pages visitées par ces utilisateurs lors de leur passage sur le site ? On est allé - toujours grâce à Analyse du Trafic - voir le top 10 des pages vues chez Auchan, assez représentatives des intérêts des consommateurs de la grande distribution… Avec les jouets et jeux vidéos en tête de gondole, indispensables en cette période de confinement ?
Une dernière option intéressante de notre outil SEMrush en terme d’analyse de l’audience nous permet de nous offrir un aperçu des sites visitées également par nos visiteurs : ainsi dans le cas de Carrefour peut-on constater une prédominance très intéressante des gros sites e-commerces que sont Amazon ou CDiscount (les utilisateurs de Carrefour sont donc des habitués des achats online) et de sites d’informations (Wikipedia, Le Figaro, BFMtv…), ce qui nous indique une audience captive qui effectuera ses achats de manière réfléchie.
Stratégie SEO : tout en direct
Maintenant que nous avons passé en revue ces éléments marquants concernant l’audience des sites de la grande distribution, nous pouvons revenir à notre saint tryptique du SEO (mots-clés, backlinks, SEO technique) et à notre métrique principale du trafic… Et sur ce plan là, c’est bien Carrefour et ses 27 millions de visiteurs en mars qui domine haut la main le secteur.
Le pionnier français du concept d’hypermarché domine également de la tête et des épaules un autre classement, celui du nombre de backlinks, avec 8,3 millions de liens retours à son actif en mars 2020 - loin devant E-Leclerc (2,5 millions) puis Auchan et Intermarché au coude à coude avec 1,4 millions de backlinks.
Une stratégie d’acquisition de backlinks qui semble donc payante pour les géants de la grande distribution, en particulier Carrefour et Intermarché qui tirent aux alentours de 8 % de leur trafic global par ce biais. Soit une part tout de même relativement faible en comparaison avec celle du trafic direct, en général aux alentours de 50 %, et qui témoigne d’une relative fidélité du public de ses sites.
En mettant à part le cas particulier de Casino.fr (déjà évoqués plus haut), on notera tout de même que 64 % des visites d’Auchan.fr sont issues du trafic direct, soit… Environ 13 millions de visites effectuées par le biais d’un onglet favori ou d’une tape directe dans la barre d’adresse, ce n’est tout de même pas négligeable en terme de “fidélité”.
On passera très rapidement sur les sources paid du trafic, visiblement uniquement privilégiées par Monoprix (12 % du trafic du site). De même pour les réseaux sociaux, qui fournissent près de 10 % du trafic de Spar.fr mais sont largement délaissés par les autres acteurs du secteur, qui leur ont largement préféré travailler sur les backlinks et… Les keywords.
C’est notamment vrai pour Franprix, qui tire l’essentiel de son trafic de la recherche organique. Une vérité également applicable (dans une moindre mesure) aux autres concurrents “mineurs” du secteur, qui ont visiblement compris que la lutte contre les mastodontes (et leur trafic direct) passait par une stratégie de mots-clés élaborée.
Pour en avoir le coeur net, on est allé récupérer nos mots-clés avec le plus fort taux de croissance du moment, et on les a placé dans notre outil Suivi de Position… Pour y constater que c’était encore Monoprix qui tirait le mieux son épingle du jeu, tandis que E-Leclerc ou Franprix était bien mal positionné sur ces keywords pourtant prioritaires ces temps-ci.
Quant à Carrefour, toujours à l'affût dans les SERPs grâce à une stratégie de mots-clés maîtrisée, disposant d’une impressionnante réserve de backlinks et pouvant en plus compter sur une audience fidélisée par l’histoire du géant de la grande distribution, sa position de leader sur le marché est sans nul doute (aussi) le fruit d’une stratégie SEO complète et maîtrisée de A à Z. Tiens, de A à Z, ça ne vous rappelle rien ?